Episode 1

Sur leur colline, Gordon et Lucky observent l’enfer qui se déverse sur leur ville. Roland Dufour semble se tasser sur lui-même alors que les bâtiments s’écroulent un à un sous ses yeux. Tout autour, les gangs rivaux d’éthiopiens et de sénégalais, dans des morphes rapiécés, profitent du chaos pour régler leurs comptes. Craignant de prendre une balle perdue ou d’être pris à partie, ils décident de se mettre en quête d’un véhicule.

Pour se donner du courage, Lucky se drogue généreusement. Ensuite, il utilise ses vêtements intelligents et ses implants faciaux et épidermique pour faire plus couleur locale. Ce subterfuge leur permet de passer les check-points installés à chaque coin de rue par les gangs.

Toujours dans le module ghost de Gordon, El3 scrute la toile tout autour d’eux. La maintenance laisse à désirer dans le secteur et il ne lui faut qu’une poignée de seconde pour ouvrir et démarrer la première voiture venue.

Dufour leur propose alors un marché : Il leur explique que la ville est perdue et probablement d’autres avec elle. Il offre donc la possibilité à ses ravisseur de changer de stratégie et de travailler maintenant pour lui. S’ils l’escortent jusqu’à une passerelle d’égo diffusion, il leur permettra de quitter la Terre et de travailler pour lui une fois en sécurité dans une station orbitale.

El3 remarque que Dufour semble en savoir beaucoup sur les événements qui sont en train de se dérouler sous leurs yeux. Il a été visiblement prévenu de ce qui allait se passer et n’envisage pas de revenir sur Terre. Mais les trois criminels n’ont pas vraiment le choix. Ils renoncent donc à essayer de retrouver Corso pour tenter leur chance avec leur otage.

Évitant les axes majeurs, saturés de fuyards, Gordon fonce le long des routes secondaires. Mais brusquement, toutes les voitures devant lui font simultanément une embardée sur la gauche pour venir se fracasser contre les façades des bâtiments. Lucky a le temps de sauter grossièrement avec Dufour avant que le véhicule n’échappe à Gordon et qu’il aille à son tour s’écraser à l’intérieur d’une boutique de lingerie.

Alors qu’il s’extrait de la carcasse fumante et que El3 télécharge les plans pour trouver une issue, Lucky et Dufour voient arriver au bout de la rue les synthomorphes des milices de sécurité responsables de la protection de la cité-état de Marseille. Ces derniers avancent en rang, massacrant systématiquement les personnes sonnées qui s’extraient péniblement de leur voitures.

Très rapidement, le trio prend la fuite et s’empare d’une autre voiture. Dans cette  nouvelle ruelle, la situation est identique : toutes les voitures ont subitement viré à gauche pour s’écraser contre un mur. Pourtant cette fois, un détails trouble Gordon. Alors qu’il sort les cadavres de la voiture choisie, il constate que les morts n’ont plus de têtes et qu’elles ont visiblement été emportées.

C’est alors qu’un vrombissement rugit à leurs oreilles. Derrière eux, un nuage de drones, évoquant grossièrement des abeilles métalliques, se précipite sur eux. Leur abdomen est une sorte de panier d’acier rempli de têtes et leurs pattes se terminent par des scies circulaires. L’une de ces machines fond sur un malheureux coincé dans son véhicule, lui tranche rapidement le cou avec ses pattes avant d’aspirer sa tête à l’intérieur de son ventre-panier. Les machines collectent les piles et personne dans la voiture qui démarre ne veut savoir pourquoi.

Gordon fonce à toute allure, prenant de nombreux risques pour pousser les engins volant à l’erreur. Lucky tire avec son freezer et parvient à entraver les systèmes d’un drone tueur qui s’écrase au sol. El3 pirate un autre engin et coupe ses moteurs. L’engin tombe à son tour. Dans les systèmes de la créature, l’IAG a découvert une forme étrange de maladie numérique qui lui a posé de sérieux problèmes. Elle sort de l’expérience légèrement secouée.

Pour semer ce qui reste de leurs poursuivants, Lucky utilise sa muse pour trouver une réserve de biocarburant et, passant à proximité, la fait exploser. L’explosion et la fumée qui en résulte suffisent à éloigner leurs agresseurs assez longtemps pour qu’ils puissent atteindre le centre d’égo castage de Cognite. Dans leur grille, leurs muses commencent à devenir incohérentes et les informations sont absurdes ! L’une d’elle annonce même l’atomisation de Marseille ce qui envenime encore les discussion entre les états germaniques et les cités états du sud.

Malheureusement, le grillage qui garde l’entrée du centre Cognite est assailli par des centaines de civils qui veulent quitter la ville. Le centre d’égo castage corporatiste n’est visiblement plus secret. Les drones collecteurs de piles vont sûrement arriver dans le coin et il n’y a pas une seconde à perdre. Gordon secoue Dufour qui finit par parler d’une entrée du personnel qui passe par une passerelle dans un centre commercial.

Une quinzaine de personnes se ruent sur la voiture abandonnée tandis qu’au loin, le rugissement des moteurs des engins tueurs se fait entendre. Alors que les gardes menacent de tirer dans la foule, le groupe mené par Dufour pénètrent dans un couloir sombre grâce à ses codes d’identification. Passant la passerelle, ils pénètrent dans une salle en béton brut qui les conduit finalement à un vaste entrepôt au plafond voûté. Entre temps, leurs biomods indiquent qu’ils sont soumis à un taux de radiation très élevés.

A l’intérieur, des dizaines de personnes portant un logo Cognite et un identifiant en unité virtuelle sur leur chemise attendent debout et en silence. Une machine sinistre, dont les tentacules métalliques rampent sur le sol et les murs, trône sur une estrade. A ses côtés, un homme en blouse blanche s’agite frénétiquement au milieu de plusieurs écrans de réalité augmentée.

Soudain, il reconnaît Dufour et se jette dans ses bras, visiblement les deux hommes sont soulagés de se retrouver. Une fois encore, Cognite semblait particulièrement bien préparée à l’événement cataclysmique qui frappe Marseille. Immédiatement, l’homme propose de lancer la procédure qui enregistrera leurs égos dans la machine de diffusion vers leur passerelle martienne. Dufour sort de sa poche une pile corticale et demande à ce qu’elle soit chargée et égo castée avec les autres.

Brusquement, un mur explose et une horreur mécanique de six mètres de haut en franchit les décombres. Dufour est terrifié. Son ami n’a pas le choix, il doit lancer la procédure d’égo diffusion immédiatement. Toutes les personnes présentes font une rapide manipulation dans leur grille virtuelle et s’écroulent comme des dominos. Les morphes, vidés de leur esprit, sont devenus des sacs sans vie. Avant de se caster, l’ami de Dufour a eu le temps d’évoquer un point de darkcastage dans la ville basse et de leur souhaiter bonne chance.

La machine continue de mettre les morphes en pièces et de détruire la structure environnante. Dufour s’enfuit en revenant sur ses pas et Gordon se lance à ses trousses. Lucky se déshabille et laisse sa peau revêtir la teinte exacte du mur. Mais la machine passe en mode thermique et le repère sans effort. Sa dernière heure semble arrivée.

El3 est en train de reconfigurer la machine pour un nouveau castage mais le temps lui manque. Elle saisit le node de la machine titanesque et commence à la pirater. Elle manque de devenir folle en ondulant au milieu des données corrompes de la machine qui tentent en plus de vriller son esprit mais parvient à couper les moteur. La chose s’effondre, emportant un mur entier et des centaines de mètres de câbles électriques. La machine d’égo diffusion est inutilisable.

Sur la passerelle du centre commercial, pendant ce temps, Gordon rattrape Dufour et lui évite de se faire couper en deux par un tir de rayon. En bas, un homme à l’allure de vieux cow-boy sur le retour en veut particulièrement au chercheur de Cognite et se réjouit de sa mort prochaine. Gordon décide de battre en retraite. A cet instant, il voit un mur du centre commercial s’effondrer et un épais nuage rouge entrer par la brèche en léchant le sol. Il s’agit d’un gaz intelligent de classe militaire capable de passer les défenses des biomods standards.

Gordon et Dufour reviennent donc dans la pièce de béton brut située avant l’entrepot et croisent Lucky, nu, couleur plâtre, totalement paniqué. Ils n’arrivent pas à savoir s’ils doivent retourner dans l’entrepôt avec la machine géante en train de se réinitialiser ou s’ils préfèrent affronter le tireur inconnu et le gaz rouge. Profitant du flottement, ce dernier a atteint la passerelle et envoie un rayon destructeur dans le ventre de Lucky. Gordon arme son fusil mitrailleur et envoie l’agresseur s’écraser au milieu des boutiques.

Lucky et Gordon verrouillent leur respiration et enclenche leur système d’oxygénation interne, El3 n’a pas besoin d’air, reste Dufour qui doit pouvoir tenir deux minutes sans respirer en se déplaçant. La technique impose la lenteur et ils doivent souvent se mettre la l’abri des bâtiments dans lesquels le gaz peine à entrer.

Dans l’un d’eux, ils sont recueillis par une bande de résidents qui ont choisi de se calfeutrer en attendant l’arrivée de l’armée. Sur place, ils sont soignés par Catarina, une jeune infirmière que Lucky ne tarde pas à séduire. Dufour et Gordon partagent un cigare de synthèse pendant que El3 pirate les senseurs du bâtiments. Autour d’eux, les radiations ne font qu’augmenter et le gaz rouge lèche les vitres avec avidité.

Quand Gordon a fini de… côtoyer Catarina, il sort dans le couloir pour saluer les pères de famille qui montent la garde dans les couloir de la résidence et découvre une anomalie majeure… une sorte de flétrissement semble se rapprocher de lui lentement. Cette chose grise les murs et désagrège les moquettes. Elle fait fondre le plastique et recroqueville le reste des matériaux. Quant au premier homme qu’elle atteint, il se met à bouillir en une bouillie rouge avant de s’écrouler sous la forme d’un squelette qui finit de fondre dans un crépitement poisseux.

Lucky est paralysé de terreur et ne doit son salut qu’à quelques résidents et à Catarina qui le sortent en le traînant au sol. El3 découvre que la nano-nuée a embrassée l’extérieur du bâtiment et s’infiltre partout où elle parvient à se glisser. Elle s’aperçoit également qu’elle est gigantesque et que des dizaines de bâtiments subissent le même assaut dans le secteur. Immédiatement, elle envoie les plans du bâtiment à Gordon et un message d’urgence pour que tout le monde quitte les lieux.

Lucky a repris ces esprits et trouve miraculeusement une passerelle couverte qui rejoint un immeuble voisin. Suivit de tout un groupe de survivants, ils regagnent la rue puis un autre bâtiment où tout le monde peut à nouveau recommencer à respirer. De là, ils font jouer leurs relations pour trouver une solution et tenter de localiser les darkcasteurs.

Lucky contacte son mécène sur Mars pour le mettre en garde. Mais les délais de réponses sont trop importants dans la situation actuelle. De plus, il semblerait que la situation soit la même sur Mars. El3 entre en contact avec une IAG de sa connaissance sur ce qui reste de la toile. Elle lui explique que le problème est mondial et lui montre une carte actuelle de l’Italie : La cité-état de Milan a reçu une charge nucléaire ! Cela a au moins le mérite d’expliquer le taux élevé de radiation. Gordon, quant à lui, parvient à contacter un confrère truand qui lui indique la localisation exacte du gang de darkcasteurs.

Le groupe repart. Courageusement, les survivants sans masque finissent par se donner la mort pour qu’on emporte leur pile quand ils ne succombent pas tout simplement aux poisons et aux radiations.

Une fois sur place, ils ne reste plus que Dufour et son escorte face à une porte blindée criblée d’impacts. Ils sont au milieu d’un tas de cadavres démembrés et d’épaves de véhicules. Les darkcasteurs leur demandent cent-mille crédits par personne pour le castage. Prudents, ils ont coupés tous les systèmes les reliant à la Toile. El3 n’arrive qu’à atteindre leur appareil de ventilation et en coupe les filtres. Ils repéreront rapidement l’entrée du gaz rouge mais peut être certains en souffriront quand son groupe sera parvenu à rentrer.

Perdu, Gordon cherche de l’aide dans ses réseaux. Il tombe sur un type aussi désemparé que lui et qui tente lui aussi de rentrer chez des casteurs. Rapidement, il comprend que le type en question est juste à côté et finit même par le trouver. Il s’agit d’Einstein McCall, le néo gorille qui devait venir les chercher à l’usine désaffecté. Le néo homnidé explique qu’un tir de missile l’a convaincu de leur poser un lapin et que ses contacts l’ont conduit jusqu’ici. Il est en train de fouiller les cadavre pour trouver quelque chose d’intéressant.

El3 cherche les connexions disponibles dans le coin et ne trouve qu’une voiture à moitié détruite, un vieux bus et quelques senseurs. Lucky utilise ses compétences de chimiste pour créer un acide puissant à partir de celui contenu dans les batteries du bus. McCall et Gordon se mettent à couvert derrière une voiture. Ils voient en effet arriver une troupe de machines humanoïdes d’un type inconnu.

Trop absorbé, Gordon ne voit pas arriver la chose qui manque de la décapiter. Il lui jette piteusement son mélange à la figure mais l’effet est pour le moins décevant. Aussitôt, la fusillade éclate. Gordon est très près de la chose qui s’en prend à Lucky ce qui permet à El3 d’attraper sa node et de pénétrer son système. Là aussi, le programme est lourdement corrompu est l’IAG manque de devenir folle. Elle engage un duel avec l’IA qui pilote la chose pour la chasser du système.

Lucky est lourdement touché ainsi que Gordon qui se vide de son sang dans les pattes du grand singe. Le néo gorille est lui aussi sérieusement blessé mais les machines ont lourdement payé cet assaut. Plusieurs d’être elles gisent au sol.

El3 finit par chasser l’IA et prend le contrôle de la chose. Elle la précipite alors contre la porte blindée en prenant soin de déclencher les engins explosifs qu’elle porte à la taille. La porte explose, laissant un trou béant en guise de protection. Les mafieux sortent en appliquant péniblement des masques à gaz sur leur visage et répondent à l’assaut des machines.

Einstein se retire du combat et traîne Gordon au sol en longeant les murs. El3 prend alors le contrôle de la voiture et la lance sur les mafieux pour rééquilibrer le combat qui tournait trop à leur avantage. Mais l’IAG a oublié qu’elle ne sait pas conduire et c’est Gordon qui se prend le véhicule. Le gorille n’a rien, mais s’en est fini de Gordon. Einstein lui tranche la tête et noue ses cheveux à sa ceinture. Les machines et les mafieux ont maintenant fini de s’entre-tuer et le groupe entre dans leur planque.

Effectivement, il y a une machine prête dans laquelle les égos des malfrats sont déjà chargés. El3 lance la procédure d’enregistrement des leurs mais une nuée de drones coupeurs de têtes arrivent dans leur direction. Certains récoltent les têtes des cadavres au sol mais les autres foncent sur eux. El3 démarre le bus et le plante dans l’ouverture de la planque. Cela ralentit à peine les machines qui passent par les fenêtre. Le gorille est Lucky bloquent les ouvertures avec le mobilier disponible. Dufour insiste pour que les piles de survivants soient également chargées ainsi que celle de son mystérieux compagnon.

Einstein se fait littéralement découper par les scies circulaires des assaillants pendant que Lucky lui injecte les drogues qui lui permettront de tenir sa position encore quelques minutes. El3 envoie tout le monde dans l’espace au fur et à mesure des chargements. Soudain, elle annonce que tout le monde est parti.

McCall cale la tête de Gordon sous son pied et la désintègre au laser. Puis se tournant vers Lucky avec une sourire de satisfaction, il vaporise également la pile et la tête de son camarade toxicomane.

Finalement, et voyant que Dufour réduit en cendre toutes les piles qu’il transportait, il retourne l’arme contre lui. Les abeilles en acier n’auront rien à collecter ici.

Avec une terrible sensation de chute, ils ouvrent tous péniblement les yeux dans un simulspace terriblement blanc. McCall est là, assis à côté d’une forme translucide qui ne peut qu’être El3. Lucky semble déjà en manque alors que Gordon gigote frénétiquement pour éviter la rafale qui l’a tué.

Un homme se matérialise peu à peu face à eux. Ils ne le reconnaissent pas mais il affirme être Roland Dufour. Il leur explique alors que dix ans se sont passés depuis leur dernière conversation et que la Terre est totalement morte, sous le contrôle de machines folles en errance et verrouillée depuis l’espace par les satellites tueurs du consortium planétaire afin que rien n’en sorte.

Ils ont été retrouvés dans une station satellite pirate un an après la Chute et depuis, Dufour les conserve en mémoire morte pour une occasion spéciale.

Ils passent ensuite trois jours (pour un dans la réalité) en simulspace pour apprendre tout ce qui s’est passé depuis avec un service de détente intensif pour les libérer de leur stress.

Au bout de cette courte remise à niveau, ils sont réinstanciés dans des morphes semblables à ceux qu’ils occupaient sur Terre même si les visage et les morphologies sont très différents. Puis ils sont libérés et quittent une gigantesque clinique dans laquelle déambule toutes sortes de morphes. En franchissant les portes de l’établissement, ils voient une ville immense aux parois recourbées. En levant les yeux sur la brume artificielle bleu-vert, ils découvrent que par-delà le ciel, d’autres rues et d’autres immeubles sont suspendus en l’air, finissant de former une gigantesque cité artificielle.

Une voiture noire très luxueuse s’arrête alors à leur hauteur et le nouveau Dufour leur fait signe de monter.

« Bienvenue sur Extropia ! Il y a dix ans, je vous avez promis de vous faire quitter la Terre et de vous fournir du travail. Quitter la Terre c’est fait, voyons pour le travail maintenant ! »