Prologue

La terre aride de Marseille n’avait pas vu la moindre goutte d’eau depuis trois ans. Mais ce qui tombait du ciel en cet après-midi d’avril n’était pas de l’eau. Il s’agissait plutôt d’un mélange d’acide, de particules lourdes et de produits toxiques.

Dans leur voiture, Lucky Belle-Gueule et Gordon écoutaient patiemment le bruit des gouttes qui se fracassaient sur le toit. Au volant, l’Albanais chantait une chanson de son pays disparu.

cyberpunk_by_dges-d5olb0tCorso avait été clair. Ils devaient extraire Roland Dufour, un chercheur de NeuroteQ (filiale de Cognite) spécialisée dans la recherche et le développement d’IA. Dufour n’était pas complice de cette extraction et pouvait se montrer récalcitrant. Pour ne rien arranger, Le patron le voulait entier et dans son morphe. Pas question de ramener une pile couverte de sang. Il fallait donc la jouer subtile et rapide.

Lucky regardait par la fenêtre les équipes en combi sécurisées pulvériser de la mousse expoliante bleue anti radiation sur les murs des bâtiments. Un truc avait dû fuir dans la nuit. Les équipes de la sécurité civile, dans leurs synthomorphes bourrés de capteurs, défilaient dans la rue inondée au milieu des passants protégés par des champs de force ou de simples ponchos en plastique traités.

Le nomade barsoomien (Lucky) était venu sur Terre pour gagner un peu de crédits afin de venir en aide à sa famille restée sur Mars. Les quelques crédits qu’il leur envoyait leur permettaient de tenir la tête hors du sable rouge de Ma’adim Vallis et assuraient la maintenance de leurs cabanes pressurisées.

Il n’avait emmené avec lui que sa guitare et ses espoirs. Et c’est muni ses deux richesses qu’il s’approcha de la porte en nanoplastique transparent.

Pendant de Temps, El3a123#°°//45554678agfk_898_3.R luttait contre le pare-feu du bâtiment. Voyant qu’elle avait des difficultés à y parvenir, elle décida de passer en force. Tous les voyants passèrent au rouge au moment où elle pénétra le système. Depuis le module ghost qu’elle occupait dans la pile de Gordon, elle prévint ses camarades de sa prise de contrôle numérique et des ennuis à venir.

4d104fc76bd957978d566eb1563032c6Gordon avait enfilé depuis longtemps un poncho en néoprène pour se rendre dans l’immeuble en face de celui de neuroteQ afin d’y voir plus clair. Il lâcha un long soupir quand les informations d’El3 lui parvinrent. Le bâtiment était occupé par des techno-anarchistes et il n’avait pas eu trop de mal à se faufiler parmi les livreurs de matériel pour s’introduire dans l’édifice.

Il s’aperçut que la sécurité était plus que laxiste chez NeuroteQ et orienta Lucky dans ses objectifs.

A ce moment-là, les muses du groupe annoncèrent des troubles internationaux. Les états germaniques accusaient publiquement les cités libres du sud de piratage terroriste. Milan, Marseille, Rome, Madrid et Barcelone étaient dans la mire germanique. Paris, aussi sereine que la neige qui la couvrait en permanence et qui étendait sa puissance de l’Atlantique à Lyon en passant par la Belgique, mettait toutes ses compétences diplomatiques pour calmer le jeu.

Pour la septième fois cette année, l’état d’urgence fut instaurer dans Marseille et des exotanks  parcouraient les rues avec leur escorte en armure. Et dire qu’on était à peine en Avril !

Pendant ce temps, Lucky jouait de la gratte devant un vigile et son chien semi-évolué. L’individu se montrait assez peu coopératif malgré les informations qu’El3 soufflait à l’oreille du nomade. Mais soudain, le système averti le garde qu’un pirate était en train de manipuler le système de la boîte et qu’il venait d’être géo localisé dans l’immeuble à côté.

Lucky profita de la faille pour entrer.

the_neuromancer_cyberpunk_mask_by_twohornsunited-d6hvhv0Une fois dans l’ascenseur, il eut besoin de l’intervention d’El3 pour se passer du code et atteindre l’étage où se trouvait leur cible. L’IAG utilisa ces quelques secondes pour créer une légitimité à son camarade. Il serait l’escorte envoyée pour sortir Dufour de bâtiment suite aux troubles politiques en Europe.

Gordon se concentra sur sa situation. Les vigiles, en bas, négociaient avec les techno-anarchistes. Il avait peu de temps pour quitter le bâtiment. Il choisit de passer par la façade. Ses pieds préhensibles et sa queue n’était pas de trop pour affronter le métal rouillé et les passerelles branlantes qu’il devait maintenant emprunter.

Il chuta lourdement dans la rue au moment où les négociations se transformèrent en fusillade. Prenant ses jambes à son cou, il se fondit au milieu des passants fuyant les balles pour s’installer sous le haut-vent d’un marchand de thé synthétique. Cette position stratégique lui permettait de se protéger de la pluie, d’observer la situation et de boire une boisson chaude. Pas mal.

Lucky déambulait dans les couloirs. Dans un secteur où les cosses portaient tous une cravate et une chemise propre, ses cheveux crasseux, son poncho trempé et sa guitare de fortune le désignaient immédiatement comme un intrus. Sa légitimité fut contrôlée dix-neuf fois avant qu’il n’atteigne le bout du couloir. Le montage d’El3 n’était pas brillant et n’allait pas durer longtemps. Aussi Lucky se rendit directement dans le labo où se trouvait Dufour. Ce dernier était avec une néo-chimpanzé en train de travailler au milieu d’une nuée d’écrans RA.

Les deux chercheurs furent surpris de l’arrivée de cette escorte mais les informations internationales et la présence de son étrange fiche d’authentification dans le système finirent de convaincre Dufour de le suivre.

El3 transmis les informations sur la situation à tous les membres du groupe et Gordon abandonna son thé pour se rapprocher de la voiture. La fusillade avait trouvé un terme avec l’arrivée des forces de sécurité de la cité. Pour laisser un peu de temps à son groupe, El3 lança un script redondant dans le système avant de le planter sauvagement. Cela retarderait quelques secondes leurs adversaires.

Alors que Lucky traversait la rue avec Dufour, il croisa les vigiles blessés et leur chien semi-évolué. En un regard, tout le monde comprit ce qui était en train de se passer. Lucky poussa le chercheur dans la voiture et tira en direction des gardes. Déjà blessés dans l’escarmouche qui les avait opposés aux techno-anarchistes, ils ne demandèrent pas leur reste et plongèrent à couvert.

Gordon, arrivant dans leur dos, choisit de les laisser tranquille pour tirer sur le chien. Il manqua la bête mais plomba la voiture ; manquant de l’Albanais qui gueulait au volant. Lucky se précipita à l’intérieur évitant ainsi de se faire mordre et l’animal changea donc de cible : Il se précipita sur Gordon.

Paooo_-_Bot_2Au bout de la rue, une patrouille de soldats arriva à temps pour voir Gordon abattre le chien et se précipiter dans la voiture. L’Albanais comprit qu’ils allaient tous mourir s’ils ne quittaient pas les lieux rapidement. La loi martiale autorisait les militaires à mettre fin à tout débordement de la façon qui leur convenait. Cette journée risquait donc de finir par une mort violente et un interrogatoire musclé en simulspace…

Heureusement, Les techno-anarchistes et les forces de sécurité marseillaises s’affrontaient maintenant à grand coup de rafales automatiques ce qui détourna l’attention des soldats.

Pied au plancher, l’Albanais conduisit tout le monde au point d’extraction : Une usine calcinée où un autre véhicule devait les prendre en charge. Durant le trajet, Gordon et Lucky firent connaissance avec Dufour. Ce dernier était amusé de la façon avec laquelle il s’était laissé berner. Il apprit à ces ravisseurs qu’il avait essuyé cinq tentatives d’exfiltration en deux ans et qu’aucune n’avait réussi. Les deux dernières s’étaient d’ailleurs terminées par la mort véritable de tous les kidnappeurs.

Une fois sur place, l’Albanais les laissa seuls pour aller détruire la voiture comme convenu et ils attendirent leur nouveau convoyeur.

Au bout de deux heures d’attente, ils durent se rendre à l’évidence : personne ne viendrait les chercher. Ils étaient en plein territoire des seigneurs de guerre éthiopiens et sénégalais et totalement livrés à eux-mêmes.

Alors qu’ils étaient en train de prendre une décision, des avions de chasse survolèrent la cité et tirèrent plusieurs missiles sur le centre-ville. Alors que les flammes gigantesques s’élevèrent dans l’air toxique, Dufour murmura entre ses dents impeccables : « Mon Dieu… Ça commence… »